Qu’est-ce que l’humain ? Cette question relève d’un grand débat avec un trio d’amis… L’un d’eux s’écrie : « l’humain est prévisible ! »… Ah ?!!! Oui, je vois, enfin j’entrevois ! Bien sûr que nous sommes prévisibles… enfin, en partie, je crois. Cette affirmation m’interroge, cette question me taraude… Car lors d’une conversation entre amis il va de soi que nous allons prendre des nouvelles des autres, que lors d’un repas en famille ou professionnel les sujets débattus sont souvent les mêmes, c’est incontournable !… En ce sens oui l’humain est prévisible, l’humain a besoin de se rassurer auprès de ses semblables pour s’identifier au groupe et ne pas devenir fou… Ca c’est l’humain en société qui fonctionne par des codes verbaux et non verbaux… c’est la définition basique… humain c’est être Homme.
Mais non, l’humain reste imprévisible… Combien de fois sommes-nous étonnés de ce que nous renvoient les autres par leurs mots, leurs pensées, leurs espoirs, leurs détresses, leurs regards ? Ainsi ce jour, il y a quelques années, où une psy me demande comment je vais et où je lui réponds avec un peu trop d’enthousiasme : « bien ! » en faisant non de la tête, inconsciemment… (elle n’a pas manqué de me le faire remarquer)… Alors quand nous sommes capables de nous tromper nous-mêmes, pouvons-nous prévoir ce qu’est l’autre ?… Je ne crois pas. Il s’agit pour moi juste d’une question de barrière à franchir, d’essayer de voir ce qui se cache derrière la façade, de lire dans un regard tout ce que l’autre nie, de tenter de comprendre en changeant de point de vue, d’aimer au sens le plus profond les gens qui nous entourent, de tenter de voir tels qu’ils sont leurs valeurs cachées, leurs doutes inévitables, leurs peurs incontrôlables… Oui quand on fait ça on voit l’humain dans sa vérité… Il y en a des beaux, il y en a des laids, des paniqués, des courageux, des téméraires, des fragiles, des absurdes, des contradictoires, des déséquilibrés, des timides, des réservés, des marrants, des tristes, des dépressifs, des bons vivants, des mal vivants, des fous furieux adorables, des sensibles, des hyper sensibles et ce sont ceux qui me touchent le plus… Car moi, je suis sans filtre !
Le mot est certes technique mais il est des moments où je me compare à un mécanisme (vivant bien sûr)… Et qui dit mécanisme dit pannes, défaillances, roulement, rouages, routeurs…
Et mon routeur à moi défaille parfois, alors il faut le réparer ! Ce n’est pas tant la construction physique de l’engin qui, elle, est plutôt solide, mais plutôt son élaboration psychique !!! D’où l’absolue nécessité de se tourner vers le professionnel le plus compétent à réparer solidement la machine sur du long terme… : le psychanalyste !
En matière de psychanalyse je débute, mais je sais que la guérison, que dis-je, la réparation puisqu’il s’agit de cela, viendra en temps et en heure ! Pour cela et comme pour toute mécanique, il faut choisir le professionnel en qui on a toute confiance, si possible un peu atypique mais surtout compétent. J’ai pour ma part trouvé la perle rare que je salue au passage, sans transfert aucun puisque ce mot-là, elle l’abhorre ! (et elle a bien raison !)…
Donc me voici en phase de réparation, au programme : évacuation de toutes peurs et névroses par apprivoisement de ces dernières, reprise de confiance en soi (pas si simple d’être à la hauteur, mot qu’il m’est désormais interdit de prononcer devant un quelqu’un qui se reconnaîtra !) et atteinte de soi (le vrai, celui qui est là, dans mon Ca) en aboutissement ! Oui oui, vaste programme dirait un autre (qui se reconnaîtra également) mais ce qui est vaste me passionne… Ah ! La passion !!! Un autre sujet encore, j’en ferai bientôt peut-être un éloge de ce mot !
Alors que dire de plus ? Que la réparation est en cours ! Que les peurs s’évanouissent en ce moment comme des volutes de fumée… Que ce travail en profondeur me permet de croire à nouveau et de laisser une porte béante à de belles choses inattendues, inespérées… Que je retrouve le sens du mot « VIE » et que ça fait du bien ?
Oui, tout ça !!!
Ma mécanique à moi, je le sais, sortira de ce travail définitivement bâtie, et n’est pas né celui qui la brisera !!!
Un jour de juillet, je l’attends accompagné de sa soeur… Il ya un an qu’il a pris rendez-vous mais impossible de le prendre plus tôt !!!
Ils arrivent, sérieux, je les fais s’installer face à moi et commence un long entretien pour bien cerner la demande, le vécu, la personne…
Il n’est pas compréhensible, c’est pour ça que sa soeur l’accompagne, elle me décrit l’accident, survenu plus de 30 ans plus tôt, à l’époque où il avait fini ses études d’ébéniste et où l’armée s’achevait… Il avait 19 ans… 3 mois de coma et au réveil plus de réflexes fonctionnels…
Il intervient et je ne comprends rien, sa soeur joue la traductrice… pour l’instant ! Il m’explique qu’il ne pouvait plus marcher (plus d’équilibre), plus parler… qu’il lui a fallu 6 ans de rééducation pour être autonome au niveau de la marche, sans compter les autres intervenants que l’on peut imaginer…
Ils se regardent souvent, complices, s’encensent l’un et l’autre sur le courage de l’un, la bonté de l’autre… Ca n’en finit pas mais je les écoute, je les observe, ils sont beaux tous les deux… Me parlent de leurs parents, décédés, c’est pour ça qu’il vit chez sa soeur là… depuis longtemps et pour toujours…
Il aborde ses centres d’intérêt, il lit, il marche tous les jours, il voudrait parler mieux, qu’on le comprenne….
Vient le moment de rester seule avec lui, de lui faire passer les tests requis…. Mais quel bavard ! Il n’arrête pas et je découvre derrière son handicap un homme malicieux et bien dans sa vie… Il m’annonce la couleur : « pas de monsieur, moi c’est François et on se dit « tu » ! « … Je le regarde, il a presque 20 ans de plus que moi et je ne suis pas habituée à tutoyer mes patients adultes … Ca me déstabilise mais il a cette façon de mettre à l’aise qui m’aide…. Alors je le regarde en souriant et lui dis : « d’accord je vais essayer, promis ! »… Les premiers instants j’esquive le « tu » et le « vous »… et puis tout à coup je me dis : « Non, il a une demande, il faut que tu l’entendes… »
Alors je me lance dans le « tu », vaillamment, et je vois son sourire s’élargir !!! Il le veut vraiment hein ? Il ne peut pas s’installer dans cette rééducation s’il n’y a pas cette barrière de franchie, alors d’accord, on va faire comme tu veux…
« Bien François, nous allons peut être poursuivre là ? »… il me tend la main pour que je « tope », alors je me marre et j’obéis – complice- à ce grand enfant que j’ai en face de moi !!!
Je l’ai revu ce matin, toujours aussi jovial et plaisantin à me sortir un « ben oui ma belle ! »… Lui qui peut retomber dans le coma n’importe quand, lui ont dit les médecins…
Morale de l’histoire ? Cet homme-là est fort, me touche par sa volonté sans borne, son humour et sa façon d’accepter ses séquelles… Il a 55 ans et il est heureux de vivre… Ce que je ne comprends pas quand il parle, il me l’écrit ou le répète patiemment -parfois une dizaine de fois- mais ne se lasse pas, jamais ! C’est moi qui lui tends le papier, toujours !
Il me donne une belle leçon de vie, parce qu’il est dans la vie, lui !!! Bien plus que beaucoup d’entre nous…
Alors, alors merci François, je n’ai pas fini de m’éclater en séance !!!
Vous avez dit Humain ?…………
Coup de fil… Je suis en train de créer mon blog… je les appelle pour prendre (et leur donner) des nouvelles… Je suis gaie, légère, je CREE et ça c’est pas rien, ça faisait si longtemps que je n’avais pas eu telle énergie, tel engouement, telle projection…
Nous parlons de la pluie, du beau temps, des activités de chacun… puis viens LA question : « Mais tu fais quoi, tu sors au moins ? », l’angoisse perce la voix… « Oui maman, je rencontre des gens en ce moment et c’est bien ! »…
Pourquoi cette question ? Parce qu’évidemment elle me sait seule, mes enfants sont chez leur père, et là, il y a peu, j’ai craqué, alors… ils sont là tous les deux, ils assument leur rôle de parents, de piliers indesctructibles…sans gémir jamais, avec cette force qui les caractérise… Ils comprennent et souffrent en silence et c’est dur de savoir qu’à mon âge je leur cause encore du tourment !
Je rencontre des gens et je n’ai pas envie de tout leur dire, je ne suis plus enfant, juste leur enfant… Alors j’écris… là, sur le blog, pour eux, parce qu’ils sont là, toujours… que je mette de la distance ou pas je sais que je peux les regarder et leur dire des choses…
Oui je veux mes jardins secrets mais je veux qu’ils sachent : en créant ce blog je me fais du bien, j’ai trouvé une raison d’être et j’en suis étourdie de légèreté…
Et puis et puis il y a ma psy, mes amis et puis aussi…
Et eux…